

Adam Semache
Né(e) le 31 mai 1992 à Alger, Algérie Rencontré(e) le 22 décembre 2014 à Le Moule, Guadeloupe. Dans la catégorie : Portraits-
Adam semble captivé par ce qu’il me raconte. En m’approchant de lui, sur le playground de la vaste place du Moule, ville située au nord-est de la Guadeloupe, j’avais déjà deviné dans sa façon de se mouvoir une volonté d’être précis, d’avoir le geste juste, le shoot délié. De maîtriser son approche du basket, autant que possible. Il était 15 heures, une heure à laquelle peu de monde joue, en raison du soleil qui tape. Adam répétait ses gammes.
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On s’assoit au milieu du terrain. Qui l’a initié au basket ? « Mon beau-père, à 13 ans, répond Adam. C’était à Paris, à porte de Saint-Ouen. Il jouait ailier en équipe nationale du Liban. Mais il ne m’a jamais vraiment rien montré, il m’a juste mis la balle dans les mains. Après j’ai fait tout tout seul. » Je n’ai pas besoin de questionner Adam sur son amour pour ce sport. Adam pense basket, et ça n’a pas forcément de lien avec ses études de philo. Sans doute ses séjours prolongés à l’étranger (Londres, Toronto, Dubaï) ont façonné d’une manière particulière son regard sur ce sport. Son approche justement très réfléchie du basket est atypique. Elle attise la curiosité.
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« Je me suis beaucoup entraîné seul. Je n’ai jamais eu l’opportunité de jouer en club. Beaucoup de gens m’ont dit : « Les entraînements seul, ça limite. Si tu n’as pas de compréhension du basket en équipe, tu n’aboutiras à rien. » Là j’ai 22 ans, je me sentais un peu âgé. Mais maintenant, je me dis que tout est possible. Y’a des joueurs de football, à 33 ans, qui se font recruter par des clubs comme Lens. C’est ce qui me donne ma motivation en ce moment, dans tout. Juste d’avoir cette motivation… Parce que le basket, c’est comme une petite machine. Tu rajoutes plein de petites parties à ton jeu. « Il me manque ça, il me manque ça. » Tu mets tout un assemblage, pour faire la machine la plus fonctionnelle, au final. »
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« Je suis comme une machine, j’essaye de rajouter toujours des petites parties à mon jeu, jusqu’à avoir la machine la plus totale, la plus complète. Mais je n’aime pas quand on dit que les sportifs sont des machines, parce que ça va bien au-delà de ça. Dans le basket, il y a toutes les émotions humaines. »
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« Sur un playground, il y a beaucoup plus d’individualités. Même les caractères se ressentent. En équipe (en club), il y a le coach qui culmine, et tout le monde est un peu dompté par le coach. Les caractères se perdent dans l’esprit d’équipe. » Son analyse va plus loin. « Le basket, à la base, c’est un sport qui est sensé être joué en playground. Même les plus grandes attaques en équipe, les « motion offense », c’est du pick-up basketball. C’est juste des continuités d’écrans. Mais en pick-up, ils jouent exactement pareil qu’à Duke, par exemple. Quand il n’y pas de système, il y a LE basket. »
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Quand Adam joue, il coupe avec tout le reste. « Je ne pense à rien. Tu décroches de tes autres problèmes. C’est un bon isolement. Un bon « breakout » de la vie active de tous les jours. » « Je suis là pour 40 jours en Guadeloupe. Je m’entraîne tous les jours, tous les jours, tous les jours, ajoute-t-il, en faisant rapidement rebondir le ballon juste devant lui, à quelques centimètres du sol.
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Adam vit entièrement ses dribbles, ses rebonds. « Je suis à fond dans le basket depuis l’âge de 15 ans. Quand j’étais en internat, à Londres, le basket n’était pas du tout connu. Donc ce que je faisais, c’est que je me levais à 4h du matin pour aller jouer. C’était un grand stade, et ils fermaient les portes. Normalement, je ne pouvais pas m’entraîner, parce qu’il n’y avait pas de superviseur à l’intérieur. Mais tous les jours, j’escaladais le grand mur de squash. Il y avait la salle de muscu en haut. Et juste en-dessous de la salle de muscu, il y avait le panier. Je descendais, je m’accrochais au panier, et après j’étais tout seul de 4h à 7h du matin, en train de m’entraîner. Puis on m’ouvrait les portes pour sortir. J’ai fait plein de délires comme ça, des trucs passionnés. »
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« Avant le basket, dans ma vie il y avait le foot. Après ça, il n’y avait pas que le basket. Il y avait la philo, la spiritualité. Puis j’ai décroché. Le basket, c’est ce qui fait le plus de sens à mes yeux maintenant. » Je demande à Adam s’il fonctionne au défi. « Ouais, c’est ça. Le basket, c’est le moyen que j’utilise pour me construire. Tu peux te construire à travers n’importe quoi. Pour moi, c’est le basket. »
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Il ne dévore pas les vidéos de basket, mais Adam capte des séquences, parfois. « Beaucoup de Jordan. Tout le monde me fait vibrer ! Mais Jordan en particulier. Derrick Rose aussi est impressionnant. À l’ancienne, sinon… Larry Bird, aussi. Un grand caractère, beaucoup de mental. C’est ça qui m’intéresse. Ce n’est pas l’aspect physique du basket. Pour moi, c’est un moyen de me construire mentalement. Se construire physiquement, c’est important, mais se construire mentalement, c’est encore plus important. Tu ne peux pas être timide au basket. »
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Je lui confie une pensée qui m’a traversé l’esprit, un jour : le basket incite à l’optimisme, parce que les basketteurs passent la plupart de leur temps à regarder vers le haut, vers le cercle. « En plus, c’est beau, tu joues ça dans les airs, poursuit Adam. Même la rapidité, c’est quelque chose que j’aime énormément. Quand je suis sur un « fastbreak », je me sens tellement rapide. On se sent bien quand on court très rapidement. Je me sens léger. Alors quand tu voles dans les airs, quand tu tapes des dunks, c’est un bon feeling. »
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Avant de partir, je l’interroge sur le proverbe qui orne ses deux biceps : « Si jeunesse savait… Si vieillesse pouvait ». « C’est mon père qui me répétait ça quand j’étais jeune. Sans trop y réfléchir, je l’ai inscrit. » Quelle signification ont ces mots, à ses yeux ? « La jeunesse à la fougue, mais elle n’a pas encore l’intelligence, la maturité. La vieillesse, elle, a cette maturité, mais elle n’a plus la fougue. »
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Le coeur d’Adam est dans le basket. Comme si, empli d’une vibrante détermination, il voulait continuer à escalader ce mur de squash ad vitam eternam. Pour atteindre son éden.