

Ethiopian Family
Né(e) le 28 août 2013 Rencontré(e) le 28 août 2013 à Londres, Angleterre. Dans la catégorie : Portraits-
Avant que je quitte le playground de Turnpike Lane, Mychelle m'avait parlé d'un autre playground, sur la même ligne de métro, en haut d'une colline, à Finsbury Park. Quinze minutes plus tard...
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C'est un des 1-contre-1 les plus étranges auquel j'ai assisté ! Parce que Yohanes et son cousin Robera semblaient tellement contents de jouer l'un contre l'autre qu'ils semblaient parfois oublier qu'il y avait un panier ! Je les voyais tourner l'un autour de l'autre, dribbler, dribbler et encore dribbler...
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S'il portait un maillot de foot, Robera était clairement plus doué pour le basket que Yohanes, dont je n'ai pas mis longtemps à comprendre, compte tenu de sa tenue et de sa gestuelle, qu'il excellait davantage dans la course à pied.
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Le un-contre-un a duré quinze minutes, et je ne me rappelle pas qu'un panier a été marqué... Les deux garçons semblaient tout simplement heureux de jouer devant leur mère.
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"C'est ma maman, Meaza, qui m'a initié au basket", me confie Yohanes, 14 ans. "Elle était joueuse, avant. Je devais avoir 12 ans quand j'ai commencé. Parce que quand je suis arrivé dans ce pays, il y a 5 ans, à l'âge de 11 ans, tout ce qui m'intéressait, c'était l'athlétisme. Ma mère me motivait à courir, et je jouais au basket seulement pour le fun. Aujourd'hui, j'aime jouer au basket autant que j'aime courir, je considère ces deux sports de la même manière."
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"Ce que j'aime dans le basket ? On peut se faire de nouveaux amis, se la raconter un peu en montrant ses "moves"… (Il rigole.) Je ne suis pas si bon, mais je m'entraîne. Et puis ma mère me motive. J'ai deux soeurs, je suis le seul garçon, le dernier de la fratrie. Ma mère me conseille, si elle voit que quelque chose ne va pas, ou que je dois m'améliorer, elle me le dit. Ma mère est comme une coach pour moi. Dans toutes les choses de la vie, pas seulement en basket !"
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"Moi, j'ai commencé le basket à 11 ans", m'explique quant à lui Robera, 19 ans, né comme Yohanes à Addis Abeba, la capitale éthiopienne. "C'est mon père Iffa qui m'a offert mon premier ballon. C'était aussi un très bon joueur. Il était prof de sport. C'est lui qui m'a permis de tomber amoureux de ce sport, qui m'a appris comment jouer, comment shooter. C'est vraiment mon mentor."
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"Ce sport, c'est tout pour moi", insiste Robera. "Dès que j'ai le moindre problème, je viens jusqu'ici faire des shoots. Juste jouer au basket, me défaire de mon stress, jouer avec mes gars. Tu peux utiliser ce sport pour plein de choses : rencontrer de nouveaux amis… Je ne sais même pas comment expliquer. C'est plus que tout ça pour moi."
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"J'aime prendre des shoots, même si je m'entraîne encore, parce que mon shoot n'est toujours pas parfait. Je joue deux ou trois fois par semaine. Je joue au football aussi, mais je préfère jouer au basket", m'explique Robera.
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"De nos jours, les gens commencent à jouer au basket en Ethiopie, surtout quand tu vas en école privée. Même si ce n'est pas encore si populaire…", m'explique Robera. "En Ethiopie, c'est d'abord l'athlétisme, et après le football. On n'a pas encore de joueur de basket célèbre. Un jour, j'espère…"
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A quelques mètres de là, Meaza, la maman de Yohanes, regarde jouer ses deux "fils". Elle accepte de venir shooter quelques paniers, puis de poser pour une photo avec Yohanes et Robera.
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Family...
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Avant que je parte, je discute avec Meaza. "Je joue parfois au basket, mais en Ethiopie, on adore la course à pied !", me confie-t-elle.
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Quand je lui fait part de mon admiration pour la légende Haile Gebreselassie, elle croit que je lui parle de l'empereur Haïle Sélassié. Son visage s'éclaire, elle me sourit et s'exclame, à maintes reprises : "Abebe Bikila ! Abebe Bikila ! Il courrait à l'époque de Sélassié… C'est le n°1 ! C'est lui qui a amené la course à pied en Grande-Bretagne quand Haïle Sélassié est venu ici. Abebe Bikila ! Bikila !" Je la remercie pour ses réponses. Tandis que je m'éloigne, elle continue de s'exclamer, en pointant son doigt vers le ciel : "Bikila ! Bikila !" En effectuant des recherches, je découvrirai plus tard que Bikila est une légende de la course à pied en Ethiopie. Vainqueur des marathons lors des JO de Rome (1960) et Tokyo (1964) et ancien membre de la garde impériale d'Haïlé Sélassié, Bikila était notamment connu pour disputer (et remporter) ses courses pieds nus. "Bikila ! Bikila !", me criait Meaza. Je ne suis pas prêt d'oublier ce nom !
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Le plus fou, dans tout ça, c'est qu'un mois plus tard, dans la chambre d'un petit hôtel de Sal Rei, sur l'île de Boa Vista, au Cap Vert, j'ai trouvé sous la table basse de la salle à manger, au pied d'une pile de bouquins... la biographie d'Abebe Bikila ! Le lendemain matin, le monsieur de la réception a accepté que j'emmène ce livre. "Bikila ! Bikila !" La voix de la maman éthiopienne résonne encore dans ma tête...